mardi 18 août 2009

Jeu de plage.

Elle avait les cheveux auburn mi-longs attachés en un chignon, de petites mèches éparses parfois soulevées par la brise avaient échappé à l'emprisonnement. Un bronzage parfait qui avait demandait certainement beaucoup de temps et de soins ambrait une peau faite pour être laiteuse. Ses courbes étaient dessinées harmonieusement tout en évitant pour chance la perfection. C'était une jolie femme comme il y en a tant qui n'ont rien d'exceptionnel et c'est certainement ce qui la rendait si attirante. Allongée sur le ventre, ce qui la cambrait, elle paressait sous un soleil complice. Cette inconnue n'avait pour vêtement en ce lieu propice qu'un sobre maillot de bain deux pièces bleu à gros pois blancs, un déshabillé convenable gardant une certaine prestance, évitant la vulgarité de l'exhibition. Elle fut seule dans un premier temps.

C'est pendant ce moment là qu'il arriva. Lui, était musclé sans être difforme, ses traits fins et ses cheveux longs n'ôtaient rien à sa virilté qui n'avait ainsi rien de grossière. Il était ténébreux et aristocratique à la fois. Il n'avait pas choisi son carré de sable au hasard, c'était une manie à laquelle il cédait systématiquement : la caissière du supermarché où il faisait ses courses était toujours la plus jolie et il décidait de la caisse non en fonction du temps d'attente supposé, mais au minois de l'employée, la place prise à une table de restaurant, à une terrasse de café, dans un bus et évidemment sur une plage dépendait d'une paire de jambes, d'un sourire.

Il étala sa serviette de bain à distance respectueuse de la dame s'arrangeant toutefois pour ne pas être ignoré. Il fallait qu'elle le voit, il fallait qu'il la voit. Son premier regard reçut de l'hostilité, il en fut si vexé qu'il se mit à la regarder non plus pour la séduire, mais pour la toiser avec dédain. Il y eut longtemps de ces regards agacés échangés avec insistance entre ces deux là. Lassé du jeu le premier, il se mit à l'ignorer sciemment, puis l'oublia perdu qu'il était dans des réflexions sur la métaphysique ou des souvenirs d'enfance. C'est en prenant une cigarette dans la poche du pantalon posé à la droite de sa couche que son regard croisa à nouveau celui de la belle rétive. N'étant pas alerte puisqu'il avait quitté le jeu tantôt, c'est la douceur émue le caractérisant qui sortit de son regard noisette, mais l'arrogante femme resta fermé à cette bienveillance. Il eut de la peine, un peu. Et c'est à cet instant qu'une frénésie de coups d'oeil commença. Les têtes se tournaient et se retournaient, tournaient encore. Ils décidaient chaque minute de ne plus se regarder et la curiosité de savoir si l'autre scrutait ou non l'emportait au bout de quelques secondes. Et ils cédaient, mimaient la colère, souriaient sous cape, levaient le yeux au ciel, soupiraient pour feindre la lassitude. Pourtant l'instant où les corps changeaient de position pour s'ignorer était une souffrance évidente pour ces deux êtres. Que l'une aille se baigner ou que l'autre se lève porte-monnaie à la main pour s'acheter une glace et c'était la désolation. Il n'y avait pas d'amour, pas de désir, qu'était donc cette exacerbation ?

Les enfants de l'inconnue que nous ne saurions appeler autrement qu'"elle", nous préservant bien de lui choisir un prénom, arrivèrent perturber, casser même la ludique occupation de l'étranger, de l'étrangère. Puis ce fut le mari qui vint à son tour achever, clore l'étrange échange. Ce dernier commun au possible devait être professeur, ingénieur, c'est à dire quelqu'un qui a raté sa vie et est grassement payé pour, dirait un mauvais esprit. Un homme plutôt beau avec des lunettes, l'air si propre, si consciencieux, si avenant, si tout qu'il en devient transparent.

Les perturbateurs ne s'attardèrent pas heureusement et la rousse aux yeux bleus put les plonger à nouveau dans ceux tout aussi clairs que les siens, mais dans un autre ton. La même observation repartit dans sa ritournelle agacée. Les nerfs se tordaient en silence et bien sûr, ni l'un, ni l'autre ne prononça mot, ils savaient que le charme se serait rompu, que la magie seserait effacée. Ils avaient envie de la conserver, de la faire durer aussi longtemps que possible.

La femme pourtant rassembla ses affaires tout à coup et rapidement s'habilla, partit. Ils avaient été ainsi complices du milieu de la matinée au début de la soirée et il ne resta que le vide pesant, violent, triste après son départ.

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