lundi 8 octobre 2007

Grégory Lemarchal


Je ne suis pas pantois devant ce style de musique. Il me suffit d'entendre Star ac, Pop star, Top cinquante, publicité radio ou télé, meilleure vente, variété française pour avoir une apriorité négative. Je sens derrière ce système des requins aux dents trop aiguisées prêts à nous vendre une musique qui n'en est pas une, des paroles simplettes, une facilité révoltante, des chanteurs jetables qui se succèdent au rythme effréné de l'appétit vorace d'un Pascal Nègre, d'un Gérard Louvin plus soucieux de leur compte en banque, que de la qualité, du temps que demande celle-ci pour se révéler.
La star academy est la représentante de tout ce que je déteste, je souhaite vivement que cette émission et ses petites soeurs disparaissent de notre espace télévisuel afin que nous redevenions des téléspectateurs et non des consommateurs manipulés qui ne sont pas respectés en tant qu'êtres humains.

Pourtant au volant de ma voiture, j'entendis par l'intermédiaire de l'autoradio une voix qui me plut, un texte qui passait mieux qu'à l'ordinaire. Je venais de changer de station et cette chanson fut prise en cours de route aussi je ne savais quel était l'interprète.

Ma douce Isabelle, ma compagne me renseigna, il s'agissait de ce jeune homme qui venait de mourir de la mucoviscidose : Grégory Lemarchal. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que cet ange qui chantait avec une âme de façon fluide était un des préfabriqués des usines de chanteurs en batterie élevés au strass transgénique. Mon premier réflexe fut de ne plus aimer par principe, de me dire que je vieillissais mal, que mon ressenti s'était élimé au contact des multiples merdes contemporaines du rock pompé des USA par les yéyés voleurs jusqu'au rap prosélyte pour dernier de la classe. Malgré tout, j'aimais cette chanson, la façon dont elle était restituée. Je me rendis compte que j'étais, moi même dans un prêt- à -penser dont le commerce est la subversion, l'underground, le snobisme du classique et de l'opéra, j'avais fait dans mon coin une justice de classe musicale et parfois je me trompe donc.

Ne vivant pas en ermitage, la télé fermée, je n'avais pas échappé à la vue de ce jeune adulte, beau, souriant, combatif parmi les invités fréquents d'autres émissions. Sa mort qui m'avait été indifférente quelques jours en amont me glaça aussitôt. Il n'avait pas le visage de quelqu'un qui meurt. J'avais eu dans le passé des amis fragiles moralement ou physiquement, il m'était arrivé de penser à raison qu'ils n'allaient pas vivre vieux, c'est une réflexion que je m'étais faite aussi la première fois que j'avais aperçu au cours d'un clip le génial Kurt Cobain du groupe Nirvana. Je me souviens avoir dit à ma mère assise à mes cotés, tu verras il est trop pur, trop fragile, trop entier, il ne vivra pas longtemps et nous apprîmes son suicide quelques années plus tard. Grégory, lui, avait de la vie dans les yeux, dans le timbre. Le désespoir était savamment caché ou absent, son allure n'était pas moribonde.

J'aime bien finalement ce Grégory Lemarchal. Il y aurait de quoi faire bondir ceux qui connaissent ma révolte contre le marketing, contre les indélicats du Show comptant pour rien , contre ce système d'exploitation amoral. Pourtant je suis heureux que ce gamin ait pu chanter avant de mourir, réaliser ses rêves, rencontrer l'amour (j'ai lu voici entre -temps), avoir un début de carrière, une vie hors de l'ordinaire. Je ne suis pourtant pas de ces bobos décalés par dérision qui se sentent fins parce qu'ils utilisent cette intelligence facile. Je les déteste encore plus que les médiocres du petit écran.

Ce que je n'aime pas, ce sont ceux qui n'ont eu aucun remord à le laisser silencieux de son vivant et qui le médiatisent à outrance depuis sa mort prenant la caution morale d'une association caritative. Manger ses morts est une grande insulte chez les gitans qui brûlent les biens du défunt par respect de sa mémoire. Les incivils des majors nous avaient habitués à ce grignotage mortifère en n'hésitant pas à nous imposer des chanteurs aproximatifss et sans scrupules qui osaient reprendre les airs de Claude François (que je n'aime pas), Daniel Balavoine, Edith Piaf, Georges Brassens, Brel, les morceaux d'anthologie de l'entre- deux guerres. Les conditions étant qu'il faut que l'auteur, le compositeur et l'interprète soient morts et depuis plus de vingt ans pour ne pas avoir à reverser de droits. Ils viennent de dépasser l'immonde !

Cet instinct de charognard repoussant comme modus operandi fait de certains hommes des sous-hommes qui ont perdu les valeurs essentielles qui font de l'être humain une élévation digne par le courage, la générosité, l'empathie, l'honnêteté. Pour quelles raisons importantes à leurs yeux ? Non pas avoir de l'argent, on excuserait celui qui a faim d'être aussi bas, pour avoir plus d'argent, encore plus d'argent, toujours plus d'argent : facilement, honteusement, sans une once d'effort, sans témérité, sans mérite.

L'ultime cadeau posthume à ce petit qui venait de sortir de l'enfance pour plonger dans la mort eut été que ses quelques chansons soient diffusées avec autant d'excès, de propagande de son vivant, qu'une émission lui soit consacrée pendant qu''il aurait pu en jouir, Qu'il goûte avec bonheur tout le succès que sa personnalité remporte aujourd'hui.

Je ne suis pas loin de penser qu'à l'instar des spéculateurs new- yorkais qui misent sur la disparition prochaine d'un peintre ou d'un sculpteur atteint du sida que ce dernier ait du talent ou non, ce n'est plus le soucis depuis bien longtemps, il y a des responsables à des maillons divers de la chaîne qui ont parié sur la rentabilité du décès précoce annoncé de Grégory Lemarchal !

J'aime les gens, naturellement bons dans leur ensemble, parfois j'observe lors d'accidents graves pourtant des badauds sourire d'une curiosité malsaine en voyant les blessés mourir et j'en suis choqué. Je ressens le même malaise vis-à-vis de ces hyènes qui ont tous les culots y compris celui de venir nous expliquer ce qu'est le bien et le mal, à quel point nous sommes inhumains si nous ne participons pas à leur collecte pour la pléthore d'associations humanitaires qui nous demandent de vider notre porte-monnaie pourtant si gonflé de vide.

Je ne peux que venir rectifier ce commentaire sans toutefois l'enlever, je fus induit en erreur, c'est, en fait, une chanson de Callogero qui m'a séduite dans la voiture, j'ai entendu l'album de Grégory Lemarchal seule une chanson m'a un peu plu et ce n'était pas l'extase. Certes, il a une belle voix, je ne remets tours pas ceci en cause, certes il fut exploité post-mortem, mais l'objectivité m'empêche d'en devenir fan malgré mes envies de dissidence vis-à-vis de l'underground (zéro) !


1 commentaire:

Jean Robin a dit…

Excellent article.
Je me suis fait exactement la même réflexion avec Julien Doré, dernier gagnant de la Nouvelle Star, que j'ai par ailleurs eu la chance de rencontrer par hasard dans la rue. Il prit le temps de me dédicacer mon agenda (!), pour ma femme qui le trouve hors-norme, et quand je lui dis qu'elle cherchait à se lancer dans la chanson, il me répondit du tac-au-tac : "Moi aussi!". J'ai trouvé cette remarque à la fois humble et drôle, ce gars-là n'est pas rentré dans le moule de la télévision. D'ailleurs il avait fait la Star Ac en 2004 mais n'avais pas été pris. Mais je lui prédis un avenir radieux, d'ailleurs il va sortir dans les jours qui viennent une énorme info le concernant, hélas je n'ai pas le droit de la dire publiquement, mais vous comprendrez vite.