Fut un temps qui n'est pas à regretter où pour plaire aux dames, il fallait être un voyou qui devient acteur, une sorte de loulou mal dégrossi pourfendeur du système et venir faire la leçon de morale aux télespectateurs, leur expliquer qu'ils sont cons et ce qu'est la vie. Le beauf était la mise en valeur évidente, le contre-exemple et sa femme se devait de le quitter, de se libérer. Il semble que ce soit moins le cas aujourd'hui. Il ne fallait surtout pas être fonctionnaire, épicier...
Pour séduire les femmes de nos jours, il faut être un intellectuel d'ailleurs ils le sont tous : du chanteur qui s'exprime sur scène les pieds nus au footballeur qui met des lunettes rectangulaires, en passant par le prédicateur musulman, le créateur d'associations victimaires et le réalisateur qui n'a pas fait de films depuis un moment. La condition sine qua non est d'être riche que ce soit par le sport, la politique, les affaires, l'héritage avant de devenir intellectuel, il n'y a pas, de nos jours de penseurs pauvres hormis Onfray.
Si vous souhaitez vous y mettre, je vais vous donner quelques conseils, vous verrez que c'est simple :
-Pour commencer, il faut le dire et le répéter sans cesse : "nous les intellectuels...". Ensuite il faut employer des termes en vogue dans l'intellectualisme : doxa, ce terme grec qui signifie à peu de chose près préjugé populaire, mais aussi il faut écrire dans ses essais " à l'envi" pour bien montrer que nous connaissons ce particularisme, gare à celui qui se fera piéger et mettra un e. privilégiez les termes en isme, ne pas parler de racisme, mais de racialisme, par exemple est du meilleur effet. Toujours dans le cadre de l'essai, il faut enlever la pensée personnelle pour la substituer à celles de grand penseurs reconnus, déjà, on ne s'expose pas et si Platon, Heidegger, Voltaire l'ont dit, c'est que c'est vrai ! Remarquez que les philosophes ou écrivains cités doivent être nés après la révolution française ou à la rigueur être antiques, c'est acceptable et personne n'ira vérifier des penseurs grecs pré socratiques, très peu connus du grand public. Ne surtout pas citer un penseur de l'époque monarchique, ce serait le retrait du crédit et le soupçon souverainiste. Il convient ensuite de se mettre en phase avec le pouvoir, si celui-ci est mitterrandien, faites vos courbettes à gauche, s'il devient sarkoziste, faites vos courbettes à droite, vous devez être le lierre qui se cramponne, le singe du maître (pour citer à mon tour d'autres), répondre aux ordres, divulguer la propagande du moment, faites tout de même une légère critique de temps à autre ou mettez-vous dans l'opposition semblable à celle du pouvoir : le parti socialiste ou le modem pour l'UMP pour jouer à l'homme libre. Les rares fois où vous n'avez pas un confrère courtisan en vis-à-vis et qu'il commence à argumenter à votre désavantage, indignez-vous, mettez-vous en colère, faites-lui peser un soupçon d'inhumanité ou mieux encore d'antisémitisme. Au mieux, la meute suivra et il n'aura plus accès à l'antenne; au pire, le temps qu'il passe à se justifier, à sortir sa liste d'amis juifs, à s'excuser, vous aurez plombé le débat là-dessus et vous serez sauvé de la mauvaise posture. Si vous êtes médecin de formation ou humanitaire professionnel, n'hésitez pas à rappeler que vous sauvez des vies, que vous êtes allé la-bas pendant que votre contradicteur (le salaud) se vautrait dans l'égoïsme de son canapé et de sa vie de famille. Pour vous entraîner, vous pouvez vous passer des DVDs de Bernard Kouchner, il pratique à merveille. Dès qu'il est embarrassé, hop la gueulante et le tour est joué.
Enfin, il vous faut une cause, un soutien : si vous êtes juif, la Shoa ou la guerre israëlo-palestinienne, si vous êtes noirs : la colonisation et l'esclavagisme, bien sûr, si vous êtes arabe, c'est la colonisation, la guerre palestino-israëlienne et les ghettos des banlieues, si vous êtes homosexuel, vous avez le sida, le mariage gay, si vous n'êtes pas dans ces cas de figures, alors il vous faut choisir parmi ces sujets invoqués et vous rattacher. Le truc est de lutter pour une cause qui finisse en phobe contre une autre cause qui finisse en phobe, vous pouvez par exemple être contre l'homophobie et vous battre contre des gens qui vous traitent d'islamophobe. Tous les cas de figures sont à croiser, attention cependant de ne pas vous fourvoyer dans certaines alliances, si vous êtes pour l'arachnophobie et que vous vous acoquiniez avec un agoraphobe, vous vous mettrez à dos les claustrophobes qui se sentent lésés dans les ascenseurs où il y a des araignées.
Ne pas oubliez surtout de citer de nombreux auteurs inconnus d'un ton badin, évident, comme si tout le monde avait un jour dîné avec eux, vos connaissances seront prises pour de l'intelligence et comme pour la pensée des philosophes citée plus haut, vous remplirez de la page facilement, sans efforts. Faites des citations latines, il y en a de toutes prêtes dans le commerce fournies avec la traduction qui vous éviteront de faire des versions. Le plagiat est fréquent, aussi n'hésitez pas à l'utiliser, n'allez pas recopier des vers de La Fontaine ou de Racine, vous seriez vite attrapés, mais cherchez ou faites chercher d'illustres anonymes doués dans la prose comme dans l'idée qui n'ont pas rencontré le public. Au bout de quelques livres, vous vous serez fait des relations avec des gens comme vous, vous aurez une responsabilité dans quelques grands quotidiens et des affaires en parallèle. Là, vous n'aurez même plus besoin d'écrire vos livres, des nègres feront les recherches et les copies pour vous, il ne vous restera plus qu'à aller briller sur les plateaux de télévision. Ne vous faites pas trop de soucis, les animateurs sont briffés par leur producteur et ils seront au courant, marcheront dans la combine, ils font des livres aussi en général et leur emploi dépend de leur servitude. En cas de ratés, les coupures au montage seront à votre avantage, aussi vous pouvez être serein. Il ne vous reste plus qu'à prendre l'air rêveur de ceux qui pensent beaucoup, d'avoir l'air détaché de l'argent et vous voici intellectuel.
jeudi 17 janvier 2008
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2 commentaires:
Dans les mots-à-placer-absolument, vous avez oublié éponyme... même quand c'est à contre-sens.
Et, entre nous, avec les tirages qui sont les siens, Onfray doit être largement plus riche que vous et moi réunis !
Oui, cher Didier :
Onfray continue de pousser des cris d'Onfray ou d'orphée, mais est devenu un athéeressé, un alter-libéraliste comme tout le monde. Quoi qu'il en dise, il plonge plus dans le tonneau des danaïdes de la consommation que dans celui de Diogène le cynique.
Ce n'est pas moi qui lui jetterait la pierre, j'adorerais être riche pour être châtelain et conduire de grosses berlines anglaises et allemandes, j'ai juste la courtoisie de ne pas être en porte à faux. Mais bon, la mère d'Onfray était femme de ménage et il s'est construit à travers le travail ce qui n'ajoute rien à son talent et n'enlève rien à celui de Proust.
Eponyme, je l'avais oublié celui-ci tout comme sémantique... trop tard !
Merci pour ce premier message.
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